Forêts passées, Forêts d’aujourd’hui, Forêts de demain
Table-ronde pour une complémentarité intrinsèque des disciplines et des communautés scientifiques
La Forêt est un écosystème dont la structure et le fonctionnement sont conditionnés par les arbres qui sont qualifiés d’espèces « clés de voûte ». Indispensable réservoir de diversité biologique, elle constitue le principal puits de carbone en milieu continental faisant d’elle un des piliers du fonctionnement climatique global. Elle assure la régulation du cycle de l’eau, défend contre l’érosion, protège contre les risques naturels, entre autres. Sachant que les évolutions actuelles du climat ont des effets graves sur les écosystèmes forestiers, la connaissance de l’histoire des forêts à des échelles de temps variées – du point de vue de leurs compositions spécifiques, de leurs dynamiques écologiques, de leurs usages, de leurs modes d’exploitation, de leur aménagement, de leur gestion – s’avère fondamentale pour comprendre leurs trajectoires socio-écologiques, leur état présent, et leur capacité d’adaptation aux évènements à venir.
C’est donc au pied des Pyrénées centrales (Haute-Garonne), dans un lieu au nom quelque peu prédestiné « Le Bois perché », que se sont retrouvés pendant 3 jours, du 15 au 17 octobre 2024, une vingtaine de spécialistes des forêts issus de communautés très diverses, toutes impliquées dans la compréhension des milieux forestiers, pour échanger sur les méthodes d’approche de l’état des forêts et des balances écologiques passées et à venir (Fig.1). Il s’agissait de spécialistes plutôt « du passé » en anthracologie, malacologie, paléoentomologie, palynologie, dendrochronologie, histoire, archéologie, écologie historique, et de spécialistes plutôt « du présent » en sciences de l’environnement, biologie, écologie, agronomie, géographie, des forestiers et des conservateurs de parc régionaux et de réserves naturelles, des chargés d’observatoires de forêts et des chargés de projet pour le conservatoire botanique.

Cette table ronde, dont l’invitée d’honneur était la Forêt dans toute sa diversité, s’intitulait « Contribution des forêts passées aux forêts d’aujourd’hui et de demain : apports des approches bioarchéologiques ». Elle était organisée par Alexa Dufraisse, (CNRS, UMR 7209 AASPE, Paris), Sophie Martin (Inrap, UMR 5140 ASM, Montpellier), Vanessa Py-Saragaglia (CNRS, UMR 7065 IRAMAT, Belfort), Vincent Robin (U Lorraine, UMR 7360 LIEC, Metz) et Emmanuelle Vila (CNRS, UMR 5133 Archéorient, Lyon) avec l’appui de CNRS Ecologie et Environnement (projet « Archéoforêts ») et du GDR BioArcheoDat (https://bioarcheodat.hypotheses.org/).
La table-ronde fut structurée autour de grandes thématiques telles que i) Les forêts du passé au service des forêts vivantes : potentialités des approches bioarchéologiques et paléoécologiques ; ii) Les gestionnaires des forêts vivantes : quels liens avec le passé et quelles attentes? iii) Forêts vivantes, forêts passées : apports réciproques et expériences positives ; iv) Forêts d’hier et d’aujourd’hui : dispositifs, indicateurs et référentiels communs.
La table-ronde débuta l’après-midi du 15 octobre par un préambule des deux directrices du Groupe de Recherche BioArcheoDat, Emmanuelle Vila et Alexa Dufraisse, présentant le contexte de ces journées en relation avec les activités de la communauté française en bioarchéologie qui étudie les vestiges d’animaux et de végétaux issus de fouilles archéologiques ou d’archives sédimentaires naturelles. Ces vestiges macroscopiques ou microscopiques permettent d’approcher, entre autres, les paléo-environnements, la biodiversité passée et l’impact des sociétés anciennes sur les milieux.
Ce préambule fut suivi par une réflexion à deux voix d’Alexa Dufraisse et de Jean-Luc Dupouey sur les « Contributions de la bioarchéologie et de l’écologie historique à la connaissance des forêts d’hier et d’aujourd’hui ». L’établissement des liens entre forêts vivantes et passées tant du point de vue des acteurs (chercheurs, gestionnaires, etc.) que de la recherche en bioarchéologie (distribution diachronique des bioindicateurs animaux / végétaux / fongiques, héritages bioculturels, états de référence…) ouvre à une intégration du passé et de l’actuel pour parvenir à la connaissance des trajectoires écologiques passées et prévoir les futures. De même, l’écologie historique apporte des éléments clefs de compréhension des évènements / processus / mécanismes de construction des socio-écosystèmes actuels et d’évaluation de leurs degrés de naturalité. Des points de discussion ressortent comme la définition de la forêt, les successions forestières, les zones d’indigénat, les apports d’essences extérieures, les caractéristiques biotiques ou abiotiques des socio-écosystèmes, les concepts de régénération, de perturbation et de résilience écologique. Il apparaît clairement qu’il convient de soutenir le dialogue entre les communautés de chercheurs pour élaborer des propositions solides d’orientations dans les choix de gestion et alimenter les modèles du futur.
Concernant les cortèges des espèces fauniques des forêts, Stéphane Frère, Gaëtan Jouanin et Benoit Clavel « Appréhender les forêts des sociétés anciennes par le biais des animaux, apports et limites de l’archéozoologie » montrèrent que les changements dans les faunes archéologiques -et les éventuelles modifications morphologiques des espèces- sont des indicateurs potentiels de modifications du milieu. A travers les présences/absences des mammifères et des oiseaux sauvages, les évolutions diachroniques sont bien documentées. Il est néanmoins souvent difficile de discriminer la part de l’évolution sociale des goûts et de l’alimentation ou des pratiques cynégétiques de celle des milieux naturels.
Gilles Raye (Vice-président de Rewilding France) « Le rewilding pour tendre vers plus de naturalité » présenta les grands actes d’une écologie rétrospective dans les Alpes du sud, entre le début du XIXe siècle et aujourd’hui avec, tout d’abord, la libre évolution des terres et reconstitution en partie de la biodiversité, suite à l’exode rural du milieu du XIXe siècle ; ensuite la création des parc nationaux (la Vanoise en 1963) et les mesures de protection des grands ongulés, des rapaces (1972 : protection des aigles royaux), des grands carnivores (1992 : retour du loup en France) ; enfin, les translocations (1959 : cerf et chevreuil dans le Vercors, 1999 : bouquetin dans le massif des Écrins).
Dans la foulée, Sonia Said (Office Français de la Biodiversité) « Impact des herbivores sur la régénération forestière » souligna la hausse des populations d’ongulés dans tout l’hémisphère nord du fait de la rareté de prédateurs naturels, des hivers doux, de l’expansion forestière et de la diminution des chasseurs. Cette augmentation des ongulés favorise la régénération forestière mais est aussi vecteur de pathogènes et menace certaines dynamiques de végétation du fait de la modification de cortèges d’essences (Fig. 2).

Après ces diverses évocations de la « macro-faune » forestière, l’intervention de Philippe Ponel « Apport des insectes fossiles à l’histoire des forêts » fit plonger dans le monde microscopique des insectes, thermomètres paléoclimatiques et maillons précieux « biotopiques » du fait de leur association avec des espèces végétales : pour exemple, les fourmis indicatrices de souches et bois morts (Camponotus vagus), les coléoptères liés aux prairies, les taxons inféodés aux bruyères (Micrelus ericae), témoins de l’éradication totale de couverture forestière, etc (Fig. 3).

La seconde journée débuta par la présentation de Sophie Martin, Alexa Dufraisse, Isabelle Figueiral et Sylvie Coubray sur le projet SILVA, débuté en 2022 et financé par l’INRAP « Perception de la diversité des socio-écosystèmes forestiers : complémentarité entre anthracologie et malacologie ». Leur approche exploratoire bi-disciplinaire cherche à mettre au point des indicateurs quantifiés pour une construction « paléoécologique » de proche en proche. La malacologie continentale ou étude des escargots terrestres, dont certains sont inféodés à des milieux spécifiques (forêts profondes, milieux ouverts, prairies humides…) apporte un référentiel d’habitat écologique complémentaire des données dendro-anthracologiques sur les boisements.
La question « Quelles traces de la surexploitation ancienne des forêts dans leur fonctionnement actuel ? » fut discutée par Jean-Luc Dupouey, prenant comme hypothèse que les prélèvements de biomasse anciens ont laissé une trace dans la composition en espèces des peuplements forestiers et leur fertilité. Les études de cas dans le Vercors et en Lorraine ne permettent pas de donner une réponse définitive. Il semble que les changements de vocation agronomique (déforestation/reforestation) ont des effets plus rémanents que les changements d’itinéraire technique. Un constat : les données quantifiées et spatialisées sur l’état ancien (structures, composition, mode d’exploitation) de peuplements et sur les prélèvements anciens sont insuffisantes
La synthèse « Les forêts morvandelles, un passé présent pour le futur. Trajectoires, et itinéraires de gestions » d’Isabelle Jouffroy-Bapicot, Christine Dodelin, Nicolas Blanchard et Jean Cacot récapitule l’activité autour des milieux naturels qui a lieu dans le Morvan (Fig. 4). L’approche rétrospective de l’évolution holocène du couvert et des traces d’anthropisation est menée à partir des analyses paléoécologiques (pollen et spores fongiques) d’une dizaine de séquences tourbeuses réparties sur le massif. Parmi les autres projets en cours : la réserve régionale (RNR) des Tourbières du Morvan pour mettre en évidence des liens entre les pratiques sylvicoles, l’impact des défrichements et les tourbières; le laboratoire forestier du Mont Beuvray (2022-2027) pour répondre au défi de l’adaptation des forêts au changement et à la mise en œuvre d’une sylviculture durable, acceptable du point de vue sociétal et environnemental.

© Isabelle Jouffroy-Bapicot et Christine Dodelin
Un bel aperçu fut donné par Diane Sorel « La vieille hêtraie de la réserve de la Massane » sur les actions de conservation d’une des plus vieilles forêts du bassin méditerranéen en libre évolution avec un inventaire initié dès 1854 de bio- et géo-diversité de tous les taxons (arbres vivants ou morts sur pied, pièces de bois mort au sol, insectes, vertébrés, espèces bactériennes, champignons, roches et minéraux), un protocole d’observation des données météorologiques locales (pluviométrie et températures) en corrélation possiblement avec la vie des arbres (Fig. 5). Son constat est qu’un solide travail historique reste à faire dans la Massane pour suivre la dynamique forestière à l’échelle du temps long.

© Diane Sorel
À ce propos, Vanessa Py-Saragaglia dans son exposé « Vieilles branches ! Le temps long des vieilles forêts de montagne en Europe tempérée » compara les trajectoires de vieilles forêts d’altitude des Pyrénées et de Roumanie. La reconnaissance d’une vieille forêt est corrélée à un certain nombre de critères comme la durée de la couverture forestière, l’hétérogénéité structurale, la diversité des essences, la taille des dryades, le volume de bois mort, les différents états de sapoxylation, la richesse et diversité des TreMS (Tree related Microhabitats). Elle montre que les peuplements actuels sont hérités de dynamiques plurimillénaires et centenaires et que les vieilles forêts sont des anciens socio-écosystèmes hérités d’une histoire longue avec une continuité de l’état de boisé indépendamment de la gestion et des pratiques.
En relation avec les actions nationales actuelles PEPR (programmes et équipements prioritaires de recherche) et le PEPR FORESTT « Résilience des forêts », Charlotte Michel, représentant Nicolas Picard (GIP Ecofor) et Maya Leroy (AgroParisTech) présenta « Les socio-écosystèmes forestiers » et le projet ciblé FORESTT-Hub (2024-2030). En s’appuyant sur un consortium interdisciplinaire de laboratoires et de chercheurs, les objectifs sont d’établir un dialogue entre la science et la pratique pour le développement de scénarios prospectifs ; favoriser le transfert de connaissances de la recherche vers les opérations forestières ; soutenir et simuler l’innovation (Living-Labs) ; suivre les changements socio-écologiques et participer à la formation et à l’éducation.
L’après-midi reprit avec Cécile C. Rémy « Comprendre et anticiper pour mieux gérer les changements d’activité de feux dans les écosystèmes forestiers » discuta des modèles de paysages forestiers comme outil pour anticiper les activités de feux dans le contexte du changement climatique et de l’augmentation des mégafeux dans le monde (Fig. 6). Elle aborda notamment la question des scénarios et des paramètres intégrés ainsi que la calibration et validation des modèles sur les données d’observations récentes. Elle présenta aussi le Guardian project (https://cecileremy.com/guardian-project/) ainsi que l’ANR Fire-Landes (https://fire-landes.com/).

© Cécile Rémy
Sophie Maillé et Geoffrey Grèzes « Les besoins en écologie historique dans les projets de conservation » introduisirent l’association Nature en Occitanie créée en 1969 et l’Observatoire des Forêts des Pyrénées centrales qui accompagnent techniquement les propriétaires et gestionnaires forestiers publics comme privés, les territoires et les politiques forestières publiques, de sensibiliser les publics, de contribuer à l’inventaire des vieilles forêts et de les protéger de manière pérenne par la maîtrise foncière. Une des questions soulevées est la compréhension du fonctionnement actuel du Massif du Montious, un îlot forestier froid, en relation avec le niveau de perturbations anthropiques et l’évaluation du niveau de naturalité de la sapinière et de sa connectivité avec le reste du massif.
Mélanie Saulnier et Sylvain Burri « De la hêtraie à la sapinière : processus de formation d’une vieille forêt actuellement préservée » exposèrent l’inventaire et l’étude de la vieille Forêt de Burat (Marignac) à 1200-1500 m d’altitude. La reconstruction de la trajectoire historique de cette sapinière et de la hêtraie repose sur des études dendrochronologiques (Projet ANR BENDYS ; OcciGen) et sur les éclairages ponctuels des archives écrites, peu abondantes pour cette zone du fait de l’indépendance du Comté de Comminges et de l’exemption des habitants du comté de toute administration Eaux et Forêts pendant plusieurs siècles. Le constat est que les arbres ne semblent pas marqués de sensibilité climatique et la croissance est principalement contrôlée par des événements stochastiques et/ou locaux.
L’intervention de Nicolas Gouix « Comment les apports historiques peuvent influencer les choix de gestion des sites dédiés à la protection de la nature : vision d’un gestionnaire d’espaces naturels » aborda l’inventaire des Zones Naturelles d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF) lancé en 1982 pour identifier et décrire, sur l’ensemble du territoire national, les secteurs de plus grand intérêt écologique abritant la biodiversité patrimoniale. Ce fut l’occasion d’aborder la question des états de référence pour l’état de conservation des habitats et de l’importance parfois de passer de l’idée d’un patrimoine naturel à un patrimoine culturel pour se faire mieux entendre.
Une des perspectives de biogéographie historique fut donnée par Jérôme Buridant « Utilisation des sources historiques forestières dans la compréhension des dynamiques (forêts de plaines, XVIe-XXe siècle) pour aborder les perturbations et les résiliences ». Ce dernier décrivit la riche documentation textuelle et cartographique qui s’enrichit au cours du temps grâce à l’institution précoce d’une juridiction « Eaux et Forêts » dans le royaume de France au XIVe siècle, chargée de surveiller et de contrôler les forêts royales à l’origine, puis toutes les forêts.
L’accent fut mis sur l’utilisation de la ressource bois comme source principale d’énergie (avant l’émergence des énergies fossiles) dans l’exposé de Vincent Robin, Anne Poszwa, Laurence Mansuy-Huault, Anne Gebhardt et Jean-Luc Dupouey « Charbonnières historiques et héritages actuels ». Leurs recherches comprennent un volet d’analyse des sols de charbonnières (teneur en carbone), des végétaux (composition en espèces ; teneur en phosphore des feuilles de hêtres) et la comparaison avec les sols locaux hors charbonnière. La réflexion est menée en tenant compte des liens et des transferts sol, végétation, eau, atmosphère pour discuter des héritages écosystémiques à l’échelle de têtes de bassin versant forestiers.
Au début de la 3e et dernière journée de la table-ronde, l’exploitation de la forêt entre le VIIIe et le XIVe fut discutée par Chantal Leroyer, Sylvie Coubray, Jean-Luc Dupouey, Aline Durand et Alexa Dufraisse « Les grands défrichements du Moyen-Age dans le Bassin Parisien : mythe ou réalité ? » à partir des données historiques (administrations forestières, défrichements clandestins, bûcheronnage illicite), anthracologiques et palynologiques (synthèses régionales). Cette approche a mis en évidence des périodes de reprises forestières, d’autres de défrichements à grande échelle, et aussi une exploitation généralisée des landes. Un défi, cf l’étude des bois de Notre-Dame de Paris (projet ANR Casimodo), est de restituer à partir de poutres carbonisées les pratiques de gestion des boisements. Les identifications spécifiques (chênes pédonculés ou chênes sessiles), la compréhension des régimes de croissance des arbres, la mise en évidence d’évènements ou anomalies climatiques font également partie des enjeux de ces travaux.
Carole Bégeot décrivit les dispositifs mis en place dans le cadre de l’Observatoire des Forêts Comtoises (OFC) créé en 2022 pour étudier les capacités de résilience et d’adaptation des forêts face aux changements climatiques « Observatoire des Forêts Comtoises : Approche multiscalaire et multidisciplinaire pour le suivi des trajectoires à long terme des socio-écosystèmes forestiers dans le contexte de changement climatique ». Sept placettes d’observation réparties au sein de massifs représentatifs de l’hétérogénéité forestière à l’échelle locale et régionale permettent de travailler sur la structure des peuplements, la diversité biologique et génétique, la diversité fonctionnelle l’état de santé, la nature des sols, l’histoire du peuplement et encore l’évolution du climat. Des travaux sont en cours sur les trajectoires sylvicoles et proto-industries (Fig. 7).

Dans le cadre de la présentation « Vieilles Forêts d’Occitanie : un exemple d’intégration du temps long dans une approche d’écologie forestière » qui vise l’inventaire des vieilles forêts, leurs caractérisations, la compréhension de leur établissement et leur conservation, Jonathan Migeot et Vanessa Py-Saragaglia présentèrent le dispositif de terrain : douze placettes d’un hectare sélectionnées pour un suivi sur 3 ans avec des inventaires taxonomique, du nombre de bois mort, de la circonférence des troncs morts, debout et au sol, des habitats, etc. L’ouverture aux archéologues et historiens a fait s’enrichir le protocole d’une fiche d’écologie historique qui intègre des informations observables par des non spécialistes (traces d’anthropisation récente, d’exploitation ancienne, de ruines archéologiques, d’indicateurs agropastoraux et de sylviculture) afin de mesurer des indices d’anthropisation.
Un autre type de dispositif fut exposé par Maxence Arnould « Les Living Labs forestiers : concept, cadre méthodologique et cas pratique ». La démarche des Living Labs est la co-construction partenariat public/privé/population. Leur objectif est d’introduire les acteurs non traditionnels et les utilisateurs dans le processus en questionnant les besoins et les attentes. Les Living labs forestiers dans le contexte des incertitudes climatiques se proposent d’accompagner des projets (chartes forestières, aménagement du territoire, supports méthodologiques) en établissant un diagnostic, une analyse des besoins des acteurs, des formations, et des mises au point de stratégies. Dans le cadre du PEPR FORESTT, une trentaine de Living Labs sont prévus pour servir à résoudre des problématiques territoriales complexes avec des dimensions multi-objectifs, multi-acteurs, et multi échelles.
La dernière présentation fut celle des Observatoires Homme Milieu (OHM) et des Zones ateliers (ZA) par Vincent Robin et Anne Poszwa appuyée par l’exemple de l’ « Observatoire Homme Milieu (OHM) Pays de Bitche et le temps long ». Les OHM et les ZA sont deux dispositifs labellisés par le CNRS Environnement et Ecologie pour l’étude des socio-écosystèmes. Les OHM s’organisent autour d’un fait structurant, un évènement fondateur et un objet focal, tandis que les ZA se focalisent autour d’une unité fonctionnelle : fleuve et son bassin, vallées. Ces réseaux de recherche interdisciplinaires ont pour ambition de soutenir les recherches sur les socio-écosystèmes, les anthroposystèmes et l’environnement en lien avec les enjeux sociétaux. L’OHM Pays de Bitche a permis de générer des recherches et des travaux universitaires sur la paléoécologie des tourbières et des paysages, l’origine des étangs, les indices d’occupations humaines en forêt et enfin sur l’histoire et les usages des prélèvements de bois. La Zone Atelier Moselle, sur le bassin versant de la Moselle, s’intéresse à l’impact des pressions anthropiques sur les écosystèmes aquatiques et terrestres et les ressources en eau.
Le constat fait au cours de ces journées par tous les participants est l’importance de connaître les valences écologiques des taxons, de retrouver les distributions anciennes des essences afin de ne pas partir des distributions actuelles qui sont biaisées, d’avoir l’historique des essences disparues, de réfléchir aux peuplements forestiers monospécifiques qui ont une résilience au changement climatique très faible. Les forêts vivantes sont le résultat d’une co-construction complexe entre les humains et leur milieu (socio-écosystèmes) depuis la fin de la dernière glaciation il y a environ 10 000 ans. L’étude du temps présent ne suffit donc pas à caractériser les forêts d’aujourd’hui car leur évolution, de par la longévité des arbres et la durée des cycles sylvigénétiques, s’inscrit sur le temps long de l’ordre, au moins, de plusieurs siècles.
Pour conclure, cette occasion d’échanger sur des points de vue divers, sur des connaissances et des méthodes spécifiques et /ou complémentaires a permis des rencontres inaccoutumées et de réfléchir différemment sur des problématiques communes de la forêt. Cela a fait naître une forte envie de renouveler l’expérience dans un avenir pas trop lointain.
Intervenants
Maxence Arnould (AgroParisTech, Centre de Nancy).
Carole Bégeot (Université de Franche-Comté, Chrono-environnement, Besançon).
Nicolas Blanchard (Mission Forêt-Bois, Parc naturel régional du Morvan).
Elisa Brandstatt (doctorante, AASPE- Archéozoologie, Archéobotanique – Sociétés, Pratiques et Environnements, Paris).
Jérome Buridant (Université de Picardie, EDYSAN- Écologie et Dynamique des Systèmes Anthropisés, Amiens).
Sylvain Burri (CNRS, TRACES-Travaux et Recherches archéologiques sur les cultures, les espaces et les sociétés, Toulouse).
Jean Cacot (Laboratoire forestier de Bibracte).
Benoit Clavel (CNRS, AASPE- Archéozoologie, Archéobotanique – Sociétés, Pratiques et Environnements, Compiègne).
Sylvie Coubray (Inrap, AASPE-Archéozoologie, Archéobotanique – Sociétés, Pratiques et Environnements, Paris).
Christine Dodelin (Parc naturel régional du Morvan, Réserve des Tourbières du Morvan, Saint-Brisson.)
Alexa Dufraisse (CNRS, AASPE- Archéozoologie, Archéobotanique – Sociétés, Pratiques et Environnements, Paris).
Jean-Luc Dupouey (INRAE-SILVA -Ecologie et Ecophysiologie forestière, Nancy).
Aline Durand (Université Le Mans, CReAAH-Centre de Recherche en Archéologie, Archéosciences, Histoire, Le Mans).
Isabelle Figueiral (Inrap, ISEM-Institut des Sciences de l’Evolution, Montpellier).
Stéphane Frère (Inrap, AASPE-Archéozoologie, Archéobotanique – Sociétés, Pratiques et Environnements, Paris).
Anne Gebhardt (Inrap, LIEC-Laboratoire Interdisciplinaire des Environnements Continentaux, Metz).
Nicolas Gouix (Conservatoire d’espaces naturels de Midi-Pyrénées, Montpellier).
Geoffrey Grèzes (Nature en Occitanie, Réserve Naturelle Régionale du Massif du Montious).
Gaëtan Jouanin (CNRS, AASPE- Archéozoologie, Archéobotanique – Sociétés, Pratiques et Environnements, Compiègne).
Isabelle Jouffroy-Bapicot (CNRS, Chrono-Environnement, Besançon).
Chantal Leroyer (Ministère de la Culture, CReAAH-Centre de Recherche en Archéologie, Archéosciences, Histoire, Le Mans).
Sophie Maillé (Nature en Occitanie, projet Forêts – Animation territoriale, Observatoire des forêts des Pyrénées Centrales, Toulouse).
Laurence Mansuy-Huault (Université de Lorraine, LIEC-Laboratoire Interdisciplinaire des Environnements Continentaux, Metz).
Sophie Martin (Inrap, ASM-Archéologie des Sociétés Méditerranéennes, Montpellier).
Charlotte Michel (Bureau d’étude Usages et Territoires, Toulouse).
Jonathan Migeot (Conservatoire botanique national Pyrénées/Midi-Pyrénées (CBNPMP), Bagnères-de-Bigorre).
Philippe Ponel (CNRS, IMBE- Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Ecologie marine et continentale, Aix).
Anne Poszwa (Université de Lorraine, LIEC-Laboratoire Interdisciplinaire des Environnements Continentaux, Metz).
Vanessa Py-Saragaglia (CNRS, IRAMAT-Institut de Recherche sur les ArchéoMATériaux, Belfort).
Cécile C. Rémy (Postdoctorante, Université d’Augsburg, Allemagne).
Vincent Robin (Université de Lorraine, LIEC-Laboratoire Interdisciplinaire des Environnements Continentaux, Metz).
Mélanie Saulnier (CNRS, GEODE-Géographie de l’Environnement, Toulouse).
Diane Sorel (Réserve Naturelle Nationale de la Forêt de la Massane, Saint-Cyprien).
Emmanuelle Vila (CNRS, Archéorient – Evnrionnements et sociétés de l’Orient ancien, Lyon).
Les autrices
Alexa Dufraisse est directrice de recherche au CNRS, archéobotaniste, spécialisée en dendro-anthracologie. Elle est membre de l’UMR 7209 AASPE, Paris
Emmanuelle Vila est directrice de recherche au CNRS, archéozoologue. Elle est membre de l’UMR 5133 Archéorient, Lyon
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Alexa Dufraisse & Emmanuelle Vila (25 octobre 2024). Forêts passées, Forêts d’aujourd’hui, Forêts de demain. Bioarchéologies. Consulté le 23 mars 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12ksv