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AROLD : un outil de synthèse de la littérature en analyses de résidus organiques

Les analyses de résidus organiques en archéologie : une approche en plein essor

Les analyses de résidus organiques permettent de caractériser des produits naturels préservés au sein de vestiges archéologiques, même quand ces produits ne présentent pas de formes permettant leur identification (par exemple des résines, des huiles, des cires). Elles sont désormais une approche courante pour étudier l’exploitation des substances animales et végétales par les sociétés anciennes. S’appuyant sur les importants développements méthodologiques réalisés entre les années 1990 et 2010, la littérature est aujourd’hui exponentielle (Figure 1), avec un très grand nombre de sites et d’échantillons étudiés.

La base de données AROLD (ARchaeology Organic residues Literature Database) a été créée, dans le cadre de travaux doctoraux, afin de synthétiser et de classifier cette littérature abondante et dans le but de faciliter la recherche d’informations au sein de la masse de données publiées. Sa construction a nécessité d’identifier le type de données utiles à recenser dans les publications, de les extraire de façon systématique et de les standardiser pour les rendre inter-comparables.

Aujourd’hui, AROLD regroupe des informations provenant de 469 références bibliographiques, de 1582 sites archéologiques et de 27 725 échantillons archéologiques (Figure 2). Elle constitue une ressource précieuse pour les premières étapes de construction d’un état de l’art sur les analyses de résidus organiques pour une région, une période ou un produit donné.

Construction d’AROLD

La base de données est organisée à partir de l’objet « Publication ». Les références bibliographiques relatives à la publication (y compris la liste complète des auteurs et le DOI) sont renseignées afin de retrouver facilement l’article pour le consulter. Chaque site étudié dans la publication fait l’objet d’une fiche propre (« Site »), renseignant des informations géographiques (continent, pays, coordonnées GPS en 
format degrés, minutes, secondes), ainsi que des informations sur le type de contexte archéologique (grotte, site de plein air, etc.) et de préservation (site submergé, de tourbière, gelé, etc.). Pour chaque site, sont répertoriés les « Lots d’échantillons » qui ont été analysés.

Le cas le plus simple est celui d’un article présentant l’étude d’un lot d’échantillons cohérent d’un point de vue chronologique et culturel : un seul lot d’échantillons est associé alors au site. D’autres articles travaillant dans la diachronie, plusieurs lots d’échantillons de périodes ou de cultures différentes sont parfois rattachés à un même site. Enfin, il arrive que plusieurs articles publient des données sur un même site : différents lots d’échantillons sont alors créés pour distinguer les travaux des différentes équipes de recherche.

Qui peut accéder à AROLD ?

Une grande partie des données est disponible en consultation libre sur le site du CEPAM (Figure 3 ; https://www.cepam.cnrs.fr/datas/ArOLD.php). L’alimentation directe de la base de données est actuellement réservée aux responsables du projet, mais il est possible de contribuer en contactant l’équipe d’AROLD et en remplissant un fichier Excel standardisé. Il est également possible de faire remonter une erreur de saisie via le bouton « REPORT ».

Après une recherche (par exemple par période, par type de produit, par pays, etc.), les données triées peuvent être consultées sous forme de carte, de liste ou de graphique (Figure 4), et récupérées sous différents formats (.csv, .pdf, .png, etc.).

Des données hétérogènes

La construction et le remplissage de la base de données ont mis en lumière la grande hétérogénéité des données publiées en analyse de résidus organiques en archéologie. Par exemple, les informations relatives aux objets étudiés et à leur contexte (périodes, traditions céramiques, datations, localisation du site, type de site, etc.) sont très diversement renseignées. Un des biais identifiés concerne notamment l’utilisation  de termes génériques désignant de grandes périodes ou leur découpage (Mésolithique, Néolithique ancien, âge du Fer, etc.), qui ne recouvrent pas la même réalité archéologique d’une région à l’autre. Il est cependant difficile de s’en passer, car certains articles ne mentionnent pas d’autres informations chronologiques (Figure 5). Au contraire, certaines publications mentionnent uniquement les datations réalisées sur le site ou les dates estimées, sans mention de période. Une recherche sur AROLD avec une question chronologique requiert donc d’interroger à la fois les champs « période » et « dates », voire le champ « contexte culturel », et de prendre en compte l’espace géographique considéré.

Le degré de précision concernant les données brutes et les interprétations des données chimiques est aussi très hétérogène. Les articles fournissant des tableaux détaillés, incluant les rendements d’extraction et les produits identifiés pour chaque échantillon, facilitent le remplissage de la base, ce qui n’est pas le cas lorsque les publications ne présentent que des graphiques.

Un appel a été lancé à la communauté afin de systématiser les informations fournies dans chaque article soumis pour publication.

Choix dans la construction de la base de données et perspectives de développement

La fiabilité des interprétations proposées dans les articles, parfois débattues au sein de la communauté (notamment pour l’identification de certaines denrées comme la bière ou le miel), est apparue comme un important point de réflexion. La base de données s’appuyant principalement sur des articles publiés dans des revues à comité de lecture, le choix a été fait d’inclure toutes les publications, y compris celles faisant débat parmi les spécialistes des résidus organiques. La base de données a ainsi une simple vocation de recensement. Il est à la charge de l’utilisateur ou de l’utilisatrice de consulter les publications concernées pour vérifier la pertinence des interprétations.

Au début de notre travail, nous avons entré des données très diverses en termes de types d’échantillons et de méthodes d’analyse. Ces données sont toujours stockées, mais pour la consultation publique, nous avons sélectionné uniquement les objets d’étude et les méthodes pour lesquels nous disposions du plus grand nombre de données. Ne sont donc affichées que les études sur les lipides (graisses, huiles, cires, résines et brais, par exemple ; Figure 6a), les alcaloïdes (cacao, café, etc., par exemple ; Figure 6b) et les acides hydrosolubles (boissons fermentées, par exemple ; Figure 6c). Un des axes de développements de la base de données pourrait être son enrichissement concernant d’autres approches, par exemple l’étude des récipients et des objets en pierre ou l’analyse des protéines.

Les données affichées en consultation publique ne concernent pour l’instant que les interprétations qualitatives issues des articles, c’est-à-dire l’identification des denrées et produits préservés dans les récipients. En collaboration avec des membres du programme ITN CHEMARCH, nous sommes en train de collecter des données quantitatives (rendements d’extraction), à partir des tableaux de données disponibles dans certains articles ou Supplementary Information. Ce travail minutieux nécessite de vérifier que les données brutes publiées respectent certains critères assurant leur inter-comparabilité (données fournies pour l’ensemble des échantillons étudiés, spécification de la méthode d’extraction utilisée pour obtenir les rendements d’extraction).

À terme, grâce à des projections sur différentes cartes (géologiques, pédologiques, climatiques, etc.), ces données devraient servir de support à une discussion autour des facteurs influençant la préservation des composés organiques : âge des échantillons, propriétés des sols, températures et hygrométrie moyenne, etc.

Enfin, AROLD a pour but de s’ouvrir progressivement à un plus grand nombre de contributeurs, afin que la grande quantité de données publiées soit à l’avenir saisie par les auteurs eux-mêmes, dans une démarche respectant les principes FAIR (FindableAccessibleInteroperableReusable) qui contribuera à l’effort de science ouverte.

Plus d’informations

Prévost, C., Drieu, L., Pasqualini, A., Regert, M., 2023. The ARchaeological Organic residues Literature Database (AROLD): construction of a tool for reviewing and querying published lipid data in organic residue analysis. Archaeometry 65, 1125-1143 https://doi.org/10.1111/arcm.12869

Les jeux de données et la structure PostGreSQL d’ArOLD sont déposés dans le répertoire pérenne Nakala des services Huma-num depuis 2022.

Les auteures

Léa Drieu est chargée de recherche au CNRS et Camielsa Prévost est docteure en Préhistoire. Elles sont toutes les deux spécialistes en analyse de résidus organiques dans les céramiques archéologiques et membres du CEPAM (UMR 7264, Université Côte d’Azur, CNRS).


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Léa Drieu et Camielsa Prévost (13 décembre 2024). AROLD : un outil de synthèse de la littérature en analyses de résidus organiques. Bioarchéologies. Consulté le 25 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12xai


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